En Guinée, des biodigesteurs offrent une énergie durable
Naby Sylla, 70 ans, et Abdoulaye Oularé, 31 ans, ont beaucoup en commun malgré leur différence d’âge : ces deux fermiers guinéens sont retournés dans leur village pour se consacrer à l’agriculture à un moment décisif de leur vie.
En 2000, Naby prend sa retraite et passe de magasinier-comptable au Centre de Recherche Agronomique de Foulayah, au nord-ouest de la Guinée, à fermier à temps plein dans son village de Gbéreyakhori, où il s’occupe d’un champ de riz de 5 hectares, d’une plantation de bananiers et d’un petit élevage de bovins.
Abdoulaye, quant à lui, était orpailleur et abandonnait tout en saison sèche pour se lancer dans la recherche d’or dans les zones minières de la région, avec tous les dangers que cela impliquait. Ce fils de paysans a réussi à refaire sa vie grâce à l’agriculture et au commerce de café dans son village de Dalafilanin.
Les deux hommes ont aussi en commun de vivre dans des zones isolées et défavorisées ou ils sont exposés à toutes sortes de défis, notamment l’absence de politiques ambitieuses et adaptées soutenant les agriculteurs, la baisse de fertilité des sols et les effets des changements climatiques
Un nouveau cercle virtueux
En 2017 et en 2020, deux projets financés par le Fonds pour l’Environnement Mondial (FEM) et mis en œuvre par le PNUD aident les agriculteurs à adopter des pratiques durables et installent des biodigesteurs — équipement par lequel les excréments d’animaux sont traités et transformés en compost et biogaz.
Les biodigesteurs changent la vie des deux hommes et de leurs communautés. Naby et Abdoulaye ont augmenté leur production agricole et leur sécurité alimentaire tout en améliorant la santé de leurs familles et en diminuant la déforestation en remplaçant le bois de chauffage par du biogaz pour la cuisine et l’éclairage.
« Avant l’installation de ce biodigesteur, ma récolte était quasi insignifiante. J’avais à peine 5 à 10 sacs de piments, d’aubergines et de gombos. Aujourd’hui, grâce aux effluents que procure le digesteur, ma productivité agricole s’est beaucoup améliorée. Il n’y a pas meilleur engrais » assure Naby.
Le biodigesteur a aussi permis à Naby de diversifier ses activités en installant un étang piscicole. « L’idée m’est venue à l’esprit quand les experts du PNUD sont arrivés dans le village pour nous expliquer le double intérêt d’un biodigesteur familial comme fertilisant dans la production agricole et comme nourriture pour les poissons. » Altruiste et dévoué au bien-être de sa communauté, Naby n’a pas tergiversé à puiser dans son étang pour empoissonner l’étang communautaire. « Dans deux ans nous aurons assez de poissons pour le village » prédit-il.
Pour sa part, Abdoulaye peinait pour garder son café à flot : « Chaque mois, je devais travailler dur pour mettre de côté 50 à 60 000 FG destinés à l’achat de deux sacs de charbon de bois. C’était un cercle vicieux ! j’achetais du charbon pour chauffer le café, et à la fin du mois, je devais réinvestir mes recettes dans l’achat du charbon. En réalité je tournais en rond ! »
Abdoulaye utilise aussi l’effluent produit par le biodigesteur comme engrais organique dans son champ maraîcher.
La plus-value des biodigesteurs va au-delà des aspects économiques et concerne aussi le social et l’environnement. Cuisiner avec le gaz permet non seulement d’économiser, mais aussi d’améliorer la santé et l’hygiène, de diminuer la déforestation et le rejet du méthane dans l’atmosphère.
Les femmes de Naby et d’Abdoulaye peuvent désormais cuisiner à tout moment de la journée et en toute saison sans fumée nocive : « Avant, il fallait parcourir de longues distances à la recherche du bois de chauffe, ce qui contraignait souvent les enfants à être en retard ou à manquer l’école, sans compter les risques de maladies et de brûlures. Maintenant, chacun de nous y trouve son compte. Les enfants peuvent étudier correctement la nuit avec la lumière issue du biogaz, et les bouses de vache ne trainent plus dans les environs » dit la femme de Naby, Sylla Bountouraby Camara.
Texte et photos: PNUD Guinée / Rene K. Ifondo