En Zambie, les femmes font rimer adaptation climatique et moyens de subsistance

ONU Développement
6 min readFeb 8, 2021

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Une agricultrice apprend à vacciner ses chèvres. Photo : PNUD Zambie/Moses Zangar, Jr

Sylvia Chiinda se trouvait dans un grand désarroi. Il y a quelques années, le décès de son mari l’a laissée sans économies ni biens. Ce fut un coup dur pour cette mère de sept enfants.

Pour ne rien arranger, la Zambie s’est vu confrontée à une hausse de la fréquence et de l’intensité des inondations, des sécheresses récurrentes et d’autres risques environnementaux, ce qui a eu pour conséquence de réduire les récoltes d’agriculteurs comme Sylvia, mettant ainsi des vies et des moyens de subsistance en danger.

Sa production de maïs et d’arachides en baisse, Sylvia a dû trouver une autre source de revenus pour faire vivre sa famille.

Elle a ouvert une épicerie de fortune dans son village à Kanakanatapa, situé dans le district de Chongwe, en Zambie. Mais son revenu mensuel d’à peine 15 dollars américains suffisait à peine à subvenir aux besoins essentiels de sa famille.

Sylvia Chiinda, avec quatre de ses sept enfants. Photo : PNUD Zambie/Belinda Zimba

« Je ne peux pas baisser les bras. J’ai besoin d’un salaire parce que j’ai plusieurs enfants et qu’il est de ma responsabilité de subvenir à leurs besoins », confie Sylvia.

Face aux risques climatiques croissants et à une adversité sans précédent, cette mère célibataire et chef de famille est déterminée à améliorer sa situation.

De nombreuses familles vivant en milieu rural ne peuvent pas obtenir de prêts des banques traditionnelles pour faire face aux effets de phénomènes météorologiques extrêmes. Ces familles sont pauvres et considérées à haut risque, ce qui renforce les obstacles auxquels elles sont confrontées.

Pour les femmes des communautés rurales, le premier obstacle à la création d’une entreprise est l’accessibilité à un crédit à un taux abordable. Obtenir un prêt auprès d’une banque commerciale suppose de subir casse-tête administratif et questions indiscrètes. A ces difficultés s’ajoute l’absence d’une banque commerciale dans leurs villages.

« En ville, les banques ne nous prêtent pas d’argent parce que nous n’avons pas de titre foncier à mettre en garantie », déplore Sylvia.

Les femmes célibataires comme Sylvia Chiinda compte parmi les personnes les plus vulnérables au sein des communautés traditionnelles patriarcales de Zambie, où leurs vies sont régies par des coutumes ancestrales. Cette vulnérabilité est amplifiée par les ravages du changement climatique.

De nombreuses familles vivant en milieu rural ne peuvent pas obtenir de prêts des banques traditionnelles pour faire face aux effets de phénomènes météorologiques extrêmes. Photo : PNUD Zambie/Moses Zangar, Jr.

Dans le cadre d’efforts gouvernementaux plus larges, une coalition d’agences des Nations unies sous la direction du PNUD, impliquant l’Organisation des Nations unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO) et le Programme alimentaire mondial (PAM), avec le ministère de l’Agriculture et le service météorologique de Zambie, aide les petits exploitants agricoles soumis au stress climatique comme Sylvia à exploiter une source de revenus en plein essor et qui ne souffre pas de la sécheresse : l’élevage de chèvres.

Grâce au financement du Fonds vert pour le climat (FVC), le projet « Renforcement de la résilience au climat des moyens de subsistance agricoles dans les régions agroécologiques I et II de Zambie » (en anglais) favorise les moyens de subsistance agricoles durables face au changement climatique et permet d’importants progrès dans l’autonomisation des femmes en tant qu’entrepreneuses agricoles. Selon Seblewongel Negussie, spécialiste du genre et des questions sociales du FVC, ce projet montre l’importance de l’intégration de la dimension de genre dans la conception et la mise en œuvre des projets.

« Le changement climatique représente l’un des principaux facteurs et enjeux contribuant à la faible productivité agricole, en particulier au niveau local. Ainsi, notre gouvernement salue le soutien apporté dans le cadre de notre partenariat avec le PNUD et le FVC aux agriculteurs, et en particulier aux agricultrices, avec des perspectives et des solutions durables tout au long de la vie pour les aider à améliorer leur productivité et à s’adapter aux effets du changement climatique », déclare le secrétaire général du ministère de l’Agriculture, M. Songowayo Zyambo.

Sylvia fait partie des plus de 8 000 personnes, majoritairement des femmes, qui ont été formées aux pratiques d’élevage de chèvres et de reproduction animale. Chaque bénéficiaire a reçu cinq chèvres pour se lancer et a été doté des outils et de la formation nécessaires à la prévention de maladies, la construction d’étables et la gestion d’élevage.

Sylvia fait partie des plus de 8 000 personnes, majoritairement des femmes, qui ont été formées aux pratiques d’élevage de chèvres et de reproduction animale. Photos : PNUD Zambie/Belinda Zimba.

Un an plus tard, Sylvia possède un total de 30 chèvres, en comptant les chèvres supplémentaires qu’elle a achetées grâce aux recettes de la vente de fumier de chèvre. Pour stabiliser ses revenus, Sylvia a vendu 10 de ses chèvres. Elle a aussi légué 5 chevreaux à d’autres femmes pour leur permettre à leur tour de trouver une stabilité financière. Cette approche permet de capitaliser sur les premiers bénéfices tout en promouvant l’esprit de solidarité. Elle contribue ainsi à l’augmentation du niveau de revenus dans les seize districts de Zambie où le projet est mis en œuvre.

Les 238 dollars américains que Sylvia a gagnés de la vente de ses chèvres ont été dépensés en produits de première nécessité, dont les frais de scolarité de ses enfants et des engrais.

Une agricultrice met à profit sa formation pour construire une chèvrerie. Photo : PNUD Zambie/Alex Mwila

Mpeza Phiri, mère célibataire de six enfants vivant dans le camp agricole de Luamba, situé dans l’est de la Zambie, explique l’initiative a permis à sa famille de recevoir un revenu stable et régulier pour la première fois. Sa famille possède à présent 10 chèvres. Face aux crises, des agricultrices comme Mpeza et Sylvia peuvent aujourd’hui compter sur davantage d’équité. Et qui dit équité, dit résilience.

Les femmes vendent des chèvres non seulement pour se nourrir, mais elles peuvent également utiliser le fumier de chèvre comme engrais naturel et performant pour leurs cultures. Cela leur permet de cultiver de grandes quantités de légumes riches en vitamines, de préparer à leurs enfants des repas plus équilibrés, la viande et le lait de chèvres étant de précieuses de protéines, et d’améliorer leurs pratiques agricoles, à la fois résilientes au climat et respectueuses de la nature.

Charity Lungu, mère de quatre enfants vivant dans le même complexe agricole que Mpeza, a pu subvenir aux besoins des dix membres de sa famille grâce à la vente de quelques chèvres. Auparavant, ses enfants allaient à l’école le ventre vide. Les revenus générés par les chèvres lui ont permis d’acheter des uniformes scolaires et des livres pour ses enfants.

« Ils peuvent désormais se concentrer sur l’éducation et non plus sur la faim », souligne Charity, allant s’occuper des chèvres qui bêlent dans leur enclos.

« Je ne m’inquiète plus de voir mes enfants affamés ou tomber malades, car je peux toujours vendre une chèvre en cas de besoin », déclare Anna Mumba, du village de Sipopa dans le district de Luangwa. Les habitants du village ont souffert de sécheresses répétées et de récoltes insuffisantes ces dernières années.

Un hangar à chèvres nouvellement construit. Chaque bénéficiaire a reçu cinq chèvres pour se lancer et a été doté des outils et de la formation nécessaires à la prévention de maladies, la construction d’étables et la gestion d’élevage. Photo : PNUD Zambie/Moses Zangar, Jr.

« Le projet de renforcement de la résilience au climat permet aux petits agriculteurs de disposer d’une autre source de revenus grâce à l’élevage de chèvres, au cas où leurs récoltes soient mauvaises », explique Parick Muchimba, le responsable du projet par intérim.

L’élevage de chèvres en Zambie est amené à se développer avec la très forte demande de l’Arabie saoudite, qui souhaite désormais importer jusqu’à un million de chèvres zambiennes par an.

La Zambie ne compte environ que 4 millions de chèvres élevées en grande partie par de petits exploitants, ce qui est loin de suffire pour répondre à la nouvelle demande.

À Lusaka, la capitale, les chèvres se vendent entre 25 et 30 dollars selon leur taille et leur race. Beaucoup de femmes cherchent à agrandir leurs troupeaux pour tirer profit de l’éventuelle hausse de la demande de chèvres zambiennes.

« J’envisage désormais d’investir dans l’achat d’autres chèvres et d’économiser assez d’argent pour m’acheter mon propre terrain », déclare Sylvia avec enthousiasme, en emmenant les chèvres qui lui restent vers un champ pour qu’elles y broutent.

Le pâturage des chèvres. L’élevage de chèvres en Zambie est amené à se développer avec la très forte demande de l’Arabie saoudite, qui souhaite désormais importer jusqu’à un million de chèvres zambiennes par an. Photo : PNUD Zambie/Moses Zangar, Jr.

Texte : PNUD Zambie/Moses Zangar Jr., Spécialiste des communications, Unité Environnement

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