Le Bhoutan reste neutre en carbone
Nawaraj Chhetri, spécialiste en atténuation du changement climatique, partage son expérience au pays du Dragon Tonnerre.
Le Royaume du Bhoutan a un bilan carbone négatif, capturant plus de dioxyde de carbone qu’il n’en émet. Malgré la croissance économique et le développement récents qui ont entraîné une augmentation de ses émissions nationales, le pays s’est engagé à rester neutre en carbone en protégeant ses forêts et en prévoyant des voies de développement sobres en carbone.
Nous avons rencontré Nawaraj Chhetri, gestionnaire de portefeuille pour l’atténuation du changement climatique et l’énergie au PNUD Bhoutan, pour en savoir plus sur l’action climat dans le Royaume.
Qu’est-ce qui vous a motivé à travailler dans ce domaine?
Je suis toujours heureux quand je constate que même les plus petites actions font une énorme différence dans la vie des personnes défavorisées. Dans le passé, j'ai travaillé sur des plateformes hydroélectriques et j'étais responsable de la production d'énergie. Ensuite, j'ai participé à un projet d'électrification rurale et j'étais chargé de fournir en énergie les communautés résidant dans des endroits reculés du Bhoutan. Le projet a apporté d’immenses bénéfices aux communautés, qui ont eu accès à l’électricité pour la première fois. Cela leur a apporté du bonheur et amélioré leur niveau de vie.
Cela m'a motivé à travailler de manière plus permanente dans ce domaine, car il existe de nombreuses possibilités d’impact. J'estime que je peux contribuer à faire en sorte que les problèmes liés au changement climatique soient gérés de manière adéquate. J'aimerais continuer à aider le Bhoutan et les communautés à atteindre notre objectif de neutralité carbone.
Parlez-nous plus en détail d’une initiative climatique urbaine sur laquelle vous travaillez
Au Bhoutan, le nombre de véhicules sur la route a augmenté de manière exponentielle au fil des ans et, en raison des émissions plus importantes causées par ce phénomène, le gouvernement a souhaité accorder la priorité au secteur des transports.
Le PNUD Bhoutan a aidé le Gouvernement à développer un projet de transport urbain durable à faibles émissions à Thimphu, la capitale du pays. Des efforts ont été déployés notamment pour promouvoir l’adoption de véhicules à faibles émissions, en particulier de véhicules électriques.
J’ai été responsable technique de la conception du document de projet ainsi que de la procédure de sélection sociale et environnementale, et des études financières et techniques. Le projet a été approuvé par le Fonds pour l’environnement mondial (FEM) et sera mis en œuvre dans le courant de cette année.
En plus des initiatives de transport, j’ai travaillé à la formulation d’un projet de gestion des déchets qui vise initialement 7 des 20 districts du Bhoutan. Les déchets sont identifiés comme un problème émergent qui menace la santé publique et l’environnement. L’objectif de la proposition est d’aider le gouvernement à réduire les émissions de gaz à effet de serre (GES) en promouvant un modèle durable de partenariat public-privé (PPP) et limiter les risques d’investissements du secteur privé dans le secteur de l’assainissement.
L’efficacité énergétique tire davantage parti de nos ressources existantes. Elle augmente la productivité des ressources mondiales, soutient la croissance économique et réduit les coûts pour tous les citoyens. La promotion de l’efficacité énergétique a été identifiée comme l’un des domaines prioritaires de notre contribution déterminée à l’Accord de Paris, à laquelle j’ai apporté des éléments techniques.
J'ai aussi travaillé avec la municipalité de Thimphu sur un projet pilote visant à remplacer les lampes à haute consommation d'énergie par des lampes LED plus performants et efficaces. Le succès du pilote a pu justifier les coûts plus élevés des lampes à LED et la municipalité installe maintenant des lampadaires à LED dans d'autres parties de la ville.
Selon vous, quels sont les plus grands risques que le changement climatique fait peser sur les villes et la population du Bhoutan et quelles sont les plus grandes opportunités?
Pour moi, le plus grand risque est l’assèchement des ressources en eau. Cela aurait des conséquences sur l’accessibilité en eau potable et sur les centrales hydroélectriques, qui produisent actuellement plus de 99% de l’énergie du Bhoutan. L’autre secteur touché est le secteur agricole. Les rendements ont diminué et les communautés ont du mal à faire face aux impacts du changement climatique tels que les précipitations irrégulières, les glissements de terrain, les inondations et les maladies.
Diversifier les sources d’énergie en promouvant d’autres énergies renouvelables telles que l’énergie solaire et l’énergie éolienne est une excellente occasion de réduire la dépendance vis-à-vis des cours d’eau et d’accroître la sécurité de notre approvisionnement énergétique.
D’autres mesures simples à adopter pour une transition sobre en carbone sont la promotion de systèmes de transport à faibles émissions en améliorant les transports publics, en réglementant les normes d’émission des véhicules et en favorisant les véhicules électriques et hybrides; ou encore la promotion de l’efficacité énergétique dans les bâtiments.
Que font les villes du Bhoutan pour aider à réduire les émissions de GES?
À Thimphu, 300 taxis à combustibles fossiles sont remplacés par des véhicules électriques avec le soutien financier du FEM. Un modèle de PPP est aussi mis à l'essai pour améliorer la gestion des déchets dans la capitale en externalisant la collecte et la gestion des ordures. Une politique nationale des transports est en cours d'élaboration et le gouvernement s'emploie à améliorer les services de transport public grâce au soutien financier du Fonds vert pour le climat. En outre, le cadre politique est en train d’être amélioré pour traiter ces problèmes. La politique d'efficacité énergétique et de conservation de l'énergie a été approuvée et la Commission nationale de l'environnement travaille sur une politique de changement climatique.
Si vous pouviez donner un conseil à d’autres villes désireuses de soutenir l’Accord de Paris, quel serait-il?
L’Accord de Paris définit un ensemble d’objectifs ambitieux. Il ne serait pas possible d’atteindre ces objectifs si nous ne nous réunissons pas pour fournir et partager le savoir-faire technologique et le soutien financier aux pays désireux de poursuivre un développement sobre en carbone.