Marcher pour la bonne cause

ONU Développement
6 min readOct 21, 2020

par Michael Haddad, Ambassadeur de bonne volonté pour le PNUD au Liban

Michael Haddad organise une série de marches « Prendre une longueur d’avance sur la COVID » pour promouvoir la réponse de la deuxième génération, qui plaide pour une meilleure reconstruction post COVID-19

Selon le premier principe de la thermodynamique que j’ai appris à l’école, l’énergie reste constante — elle n’est ni créée ni détruite. La quantité totale d’énergie reste inchangée mais elle peut prendre des formes diverses.

Assis chez moi, dans ma salle de gym improvisée pour rester en forme pendant COVID-19, j’ai réfléchi à la façon dont ce principe incarne mes combats personnels.

La sentence est tombée il y a plus de 30 ans, quand on m’a annoncé que je ne pourrai plus jamais marcher. Un accident m’a privé de 75% de mes capacités motrices et m’a laissé paralysé à partir de la taille.

J’avais six ans. Je voulais aller à l’école, faire du sport et jouer avec mes amis. À l’époque, les écoles n’étaient pas accessibles aux enfants en fauteuil roulant. Et malheureusement, c’est toujours le cas au Liban aujourd’hui.

Enfant, Michael a été victime d’un accident de voiture qui l’a laissé paralysé de la poitrine aux pieds.

J’ai puisé toute mon énergie dans ma foi et mes aspirations pour me concentrer sur un seul objectif — marcher. Il fallait que je sois mobile, libre et que je vive « normalement ».

J’ai pu me tenir debout grâce à un corset intégral rudimentaire. Mais pour moi, ça ne suffisait pas. J’ai mis mes médecins et mes soignants au défi de me donner des technologies d’assistance avancées pour que je puisse marcher. Et ils l’ont fait.

J’ai canalisé mon énergie pour apprendre à déplacer le centre de gravité de mon corps et à contrôler mon équilibre en utilisant les muscles fonctionnels de ma poitrine et de mes bras. J’ai subi d’innombrables chutes, coupures et contusions, mais j’ai fini par marcher.

Ce n’était pas une fin en soi. C’était une manière de canaliser mon énergie pour une cause plus noble que j’ai découverte après des années de réflexion et de recherche — contribuer à l’humanité et aider à protéger notre planète. On aurait cru entendre une réplique de candidat-e à un concours de beauté. Peut-être, mais c’était vrai.

Je me suis porté volontaire auprès d’un groupe de brillants scientifiques de deux grandes universités libanaises pour développer des technologies exosquelettes fonctionnelles et des techniques de modulation cérébrale prometteuses pour d’autres personnes souffrant de handicaps similaires.

J’ai aussi appris à me servir de mon histoire pour prôner des politiques en faveur des personnes handicapées — environ une personne sur sept au Liban.

Photo: PNUD/Sumaya Agha

Parallèlement, j’ai exploré des pistes pour mon autre passion — l’environnement. J’ai porté des semis de cèdre pendant ma première marche de 60000 pas à Bsharre pour appeler au reboisement des anciennes forêts de cèdre du Liban.

J’ai gravi le rocher d’al-Raouché pour alerter sur la pollution maritime. Ensuite j’ai parcouru le Sommet noir, point culminant du Liban et du Levant, pour éveiller les consciences sur les effets dévastateurs du réchauffement climatique.

En 2016, j’ai fait équipe avec le PNUD au Liban pour la défense du climat et en novembre 2019, lorsque j’ai été nommé Ambassadeur de bonne volonté pour l’action climat dans les États arabes.

Pour sensibiliser aux risques climatiques, j’ai proposé de traverser le Pôle Nord sur 100 kilomètres à pied, et le soutien du Secrétaire général de l’ONU, Antonio Guterres, m’a donné une énergie supplémentaire.

Michael avec le Secrétaire général de l’ONU, Antonio Guterres, à New York.

Peu de temps après, la pandémie de COVID-19 a frappé le monde, entraînant des souffrances et des morts, et il a fallu répondre à la crise sanitaire et à ses conséquences sociales et économiques à plus long terme.

Ma marche vers le Pôle Nord a été reportée à l’année suivante. Mais j’ai continué à m’entraîner même si les conditions étaient limitées à la maison.

Au Liban, la pandémie de COVID-19 a aggravé les difficultés économiques. Certaines personnes ne pouvaient même pas accéder à leur compte en banque.

Les personnes en situation de handicap ont été les plus durement touchées. Elles ont eu beaucoup de mal à obtenir les équipements et les fournitures nécessaires à leur santé et à leur bien-être et la pandémie les a contraintes à l’isolement et à la distanciation.

Il était temps de canaliser à nouveau mon énergie et de la mettre au service du PNUD.

Michael utilise son histoire pour plaider en faveur de meilleures politiques pour les personnes handicapées.

Nous avons organisé une série de marches « Stepping Ahead of COVID » [Prendre une longueur d’avance sur la COVID] pour promouvoir la réponse de la deuxième génération, qui plaide pour une meilleure reconstruction et la réalisation des Objectifs de développement durable.

Ces marches porteront sur le rétablissement inclusif des personnes handicapées, puis se focaliseront sur les voies de rétablissement durable, notamment la création d’emplois verts et les solutions renouvelables.

L’explosion du 4 août 2020 à Beyrouth a laissé près de 300 000 personnes sans abri. Photo : PNUD Liban/ Rana Sweidan

Nous nous préparions pour la première marche qui devait avoir lieu à l’ombre des grandes Pyramides de Gizeh en Égypte, lorsqu’une explosion a secoué ma ville natale de Beyrouth.

L’explosion a été un signal d’alarme pour tous les Libanais. Elle a montré la nécessité d’agir pour résoudre les problèmes structurels de gouvernance, de corruption et de prestation de services essentiels.

Pour les personnes handicapées, l’explosion a permis d’accélérer les actions visant à répondre aux besoins urgents d’équipements et de fournitures d’assistance, et de plaider pour la reconstruction des zones touchées afin de créer un modèle d’environnement inclusif et physiquement accessible, aussi bien à Beyrouth que dans tout le Liban.

Aux côtés du PNUD et de la Commission économique et sociale pour l’Asie occidentale des Nations Unies qui siège à Beyrouth, j’ai travaillé sur un grand projet de partenariat pour soutenir les personnes en situation de handicap et limiter leur exposition aux vulnérabilités accrues causées par les multiples crises du Liban.

Le 14 octobre 2020 marquera le lancement de cette nouvelle initiative visant à attirer des partenaires et des financements, avec ma première marche SAC [Stepping Ahead of COVID-Prendre une longueur d’avance sur la COVID]: la marche de Beyrouth pour l’intégration des personnes handicapées.

Michael a fait de la raquette au Sommet noir, point culminant du Liban et du Levant, pour attirer l’attention sur les effets nuisibles du réchauffement climatique.

Pendant mon mandat d’Ambassadeur de bonne volonté pour le PNUD et au-delà, je poursuivrai mon engagement en faveur des personnes handicapées, des personnes en difficulté et notre planète assiégée.

Je parcourrai quatre kilomètres du centre-ville de Beyrouth jusqu’à l’hôpital public de Karantina qui fournissait des soins essentiels aux plus fragiles comme les réfugiés, les migrants et les Libanais défavorisés.

Au cours de mes marches prévues au Caire, à Rabat et à New York, je resterai concentré sur le Pôle Nord que je rejoindrai en juin prochain.

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